Gustave

Flaubert

Un cœur simple

Ein einfältig Herz

Übersetzt von Arthur Schurig
Synchronisation und Ergänzungen © Doppeltext 2022

TITELBLATT

CHAPITRE I

CHAPITRE II

CHAPITRE III

CHAPITRE IV

CHAPITRE V

IMPRESSUM

CHAPITRE I

Pen­dant un demi-siècle, les bour­geoises de Pont l’Évêque en­vièrent à Mme Au­bain sa ser­vante Féli­ci­té.
Pour cent francs par an, elle fai­sait la cui­sine et le mé­nage, cou­sait, la­vait, re­pas­sait, sa­vait bri­der un che­val,
en­grais­ser les vo­lailles, battre le beurre, et res­ta fi­dèle à sa maî­tresse, qui ce­pen­dant n’était pas une per­sonne agréable.
Elle avait épou­sé un beau gar­çon sans for­tune, mort au commen­ce­ment de 1809,
en lui lais­sant deux en­fants très jeunes avec une quanti­té de dettes.
Alors elle ven­dit ses im­meubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Gef­fosses, dont les rentes mon­taient à cinq mille francs tout au plus,
et elle quit­ta sa mai­son de Saint-Me­laine pour en ha­bi­ter une autre moins dispen­dieuse,
ayant appar­te­nu à ses an­cêtres et pla­cée der­rière les Halles.
Cette mai­son, re­vê­tue d’ar­doises, se trou­vait entre un pas­sage et une ruelle aboutis­sant à la ri­vière.
Elle avait in­té­rieu­re­ment des dif­férences de ni­veau qui fai­saient tré­bu­cher.
Un vesti­bule étroit sé­pa­rait la cui­sine de la salle
où Mme Au­bain se te­nait tout le long du jour, as­sise près de la croi­sée dans un fau­teuil de paille.
Contre le lam­bris, peint en blanc, s’ali­gnaient huit chaises d’aca­jou.
Un vieux pia­no sup­por­tait, sous un ba­ro­mètre, un tas py­ra­mi­dal de boîtes et de car­tons.
Deux ber­gères de ta­pis­se­rie flan­quaient la che­mi­née en marbre jaune et de style Louis XV.
La pen­dule, au mi­lieu, re­présen­tait un temple de Vesta, et tout l’appar­te­ment sen­tait un peu le moi­si, car le plan­cher était plus bas que le jar­din.
Au pre­mier étage, il y avait d’abord la chambre de «Ma­dame»,
très grande, ten­due d’un papier à fleurs pâles, et conte­nant le por­trait de «Mon­sieur» en cos­tume de musca­din.
Elle com­muni­quait avec une chambre plus pe­tite, où l’on voyait deux cou­chettes d’en­fants, sans ma­te­las.
Puis ve­nait le sa­lon, tou­jours fer­mé, et rem­pli de meubles re­cou­verts d’un drap. En­suite un cor­ri­dor me­nait à un ca­bi­net d’étude;
des livres et des pa­pe­rasses gar­nis­saient les rayons d’une bi­blio­thèque en­tou­rant de ses trois cô­tés un large bu­reau de bois noir.
Les deux pan­neaux en re­tour dispa­rais­saient sous des des­sins à la plume,
des pay­sages à la gouache et des gra­vures d’Au­dran, souvenirs d’un temps meilleur et d’un luxe éva­noui.
Une lu­carne au se­cond étage éclai­rait la chambre de Féli­ci­té, ayant vue sur les prai­ries.
Elle se le­vait dès l’aube, pour ne pas man­quer la messe, et tra­vaillait jus­qu’au soir sans inter­rup­tion;
puis, le dî­ner étant fini, la vais­selle en ordre et la porte bien close,
elle en­fouis­sait la bûche sous les cendres et s’en­dor­mait de­vant l’âtre, son ro­saire à la main.
Per­sonne, dans les marc­han­dages, ne montrait plus d’en­tê­te­ment.
Quant à la pro­pre­té, le poli de ses cas­se­roles fai­sait le désespoir des autres ser­vantes.
Éco­nome, elle man­geait avec len­teur, et re­cueillait du doigt sur la table les miettes de son pain,
un pain de douze livres, cuit ex­près pour elle, et qui du­rait vingt jours.
En toute sai­son elle por­tait un mou­choir d’indienne fixé dans le dos par une épingle, un bon­net lui ca­chant les che­veux,
des bas gris, un ju­pon rouge, et par-des­sus sa ca­mi­sole un ta­blier à ba­vette, comme les in­firmières d’hô­pi­tal.
Son vi­sage était maigre et sa voix ai­guë. À vingt-cinq ans, on lui en don­nait qua­rante.
Dès la cin­quan­taine, elle ne mar­qua plus au­cun âge;
et, tou­jours si­len­cieuse, la taille droite et les gestes me­surés, sem­blait une femme en bois, fonc­tion­nant d’une manière au­to­ma­tique.

Gustave Flaubert
Un cœur simple / Ein einfältig Herz
Zweisprachige Ausgabe
Übersetzt von Arthur Schurig

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