Guy de

Maupassant

Le Horla

et autres contes fantastiques

Horla

und andere phantastische Geschichten

Übersetzt von Georg Freiherr von Ompteda
Synchronisation und Ergänzungen © Doppeltext 2022

TITELBLATT

LE HORLA

AMOUR

LE TROU

SAUVÉE

CLOCHETTE

LE MARQUIS DE FUMEROL

LE SIGNE

LE DIABLE

LES ROIS

AU BOIS

UNE FAMILLE

JOSEPH

L’AUBERGE

LE VAGABOND

IMPRESSUM

LE HORLA

8 mai. — Quelle jour­née ad­mi­rable! J’ai pas­sé toute la ma­ti­née éten­du sur l’herbe, de­vant ma mai­son,
sous l’énorme pla­tane qui la couvre, l’ab­rite et l’om­brage tout en­tière.
J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes ra­cines, ces pro­fondes et déli­cates ra­cines,
qui at­tachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’at­tachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange,
aux usages comme aux nour­ri­tures, aux lo­cu­tions lo­cales, aux in­to­na­tions des pay­sans, aux odeurs du sol, des vil­lages et de l’air lui-même.
J’aime ma mai­son où j’ai grandi. De mes fe­nêtres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jar­din, der­rière la route, presque chez moi,
la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, cou­verte de ba­teaux qui passent.
À gauche, là-bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuple poin­tu des clo­chers go­thiques.
Ils sont innom­brables, frêles ou larges, do­mi­nés par la flèche de fonte de la ca­théd­rale,
et pleins de cloches qui sonnent dans l’air bleu des belles ma­ti­nées, je­tant jus­qu’à moi leur doux et loin­tain bour­don­ne­ment de fer, leur chant d’ai­rain
que la brise m’ap­porte, tan­tôt plus fort et tan­tôt plus af­fai­bli, suivant qu’elle s’éveille ou s’as­sou­pit.
Comme il fai­sait bon ce ma­tin!
Vers onze heures, un long convoi de navires, traî­nés par un re­mor­queur,
gros comme une mouche, et qui râ­lait de peine en vo­mis­sant une fu­mée épaisse, dé­fi­la de­vant ma grille.
Après deux goélettes an­glaises, dont le pavillon rouge on­doyait sur le ciel,
ve­nait un superbe trois-mâts bré­si­lien, tout blanc, ad­mi­ra­ble­ment propre et lui­sant.
Je le sa­luai, je ne sais pour­quoi, tant ce navire me fit plai­sir à voir.
15 mai. — J’ai un peu de fièvre de­puis quelques jours; je me sens souf­frant, ou plu­tôt je me sens triste.
D’où viennent ces in­fluences mysté­rieuses qui changent en dé­cou­ra­ge­ment notre bon­heur et notre confiance en détresse?
On di­rait que l’air, l’air in­vi­sible est plein d’in­con­nais­sables Puis­sances, dont nous subis­sons les voi­si­nages mysté­rieux.
Je m’éveille plein de gaie­té, avec des en­vies de chan­ter dans la gorge.
— Pour­quoi? — Je descends le long de l’eau; et sou­dain, après une courte pro­me­nade, je rentre dé­so­lé, comme si quelque mal­heur m’at­ten­dait chez moi.
— Pour­quoi? — Est-ce un fris­son de froid qui, frô­lant ma peau, a ébran­lé mes nerfs et as­som­bri mon âme?
Est-ce la forme des nuages, ou la cou­leur du jour, la cou­leur des choses, si va­riable, qui, pas­sant par mes yeux, a trou­blé ma pen­sée?
Sait-on? Tout ce qui nous en­toure, tout ce que nous voyons sans le re­gar­der, tout ce que nous frô­lons sans le connaître,
tout ce que nous tou­chons sans le pal­per, tout ce que nous ren­con­trons sans le distin­guer, a sur nous,
sur nos or­ganes et, par eux, sur nos idées, sur notre cœur lui-même, des ef­fets ra­pides, sur­pre­nants et in­ex­pli­cables.
Comme il est pro­fond, ce mys­tère de l’In­vi­sible! Nous ne le pou­vons son­der avec nos sens mi­sé­rables, avec nos yeux qui ne savent aper­ce­voir ni le trop pe­tit,
ni le trop grand, ni le trop près, ni le trop loin, ni les ha­bi­tants d’une étoile, ni les ha­bi­tants d’une goutte d’eau…
avec nos oreilles qui nous trompent, car elles nous trans­mettent les vib­ra­tions de l’air en notes so­nores.
Elles sont des fées qui font ce mi­racle de chan­ger en bruit ce mou­ve­ment et par cette méta­mor­phose donnent nais­sance à la mu­sique,
qui rend chan­tante l’agi­ta­tion muette de la na­ture… avec notre odo­rat, plus faible
que ce­lui du chien… avec notre goût, qui peut à peine discer­ner l’âge d’un vin!
Ah! si nous avions d’autres or­ganes qui ac­com­pli­raient en notre fa­veur d’autres mi­racles, que de choses nous pour­rions dé­cou­vrir en­core au­tour de nous!

Guy de Maupassant
Le Horla / Horla
Zweisprachige Ausgabe
Übersetzt von Georg Freiherr von Ompteda

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